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Des trolls au service de l’Etat

Date 22 septembre 2017
Type Articles

Au cœur de l’Asie, dans la péninsule indienne, une véritable guerre de la désinformation est menée. Dans ce pays, composé à 50% d’individus de moins de 25 ans, la maîtrise des réseaux sociaux est indispensable pour communiquer avec la population, mais aussi l’influencer. Le premier ministre indien, Narenda Modi, l’a bien compris.

A l’occasion de la sortie de l’ouvrage I am a troll. Inside the Secret World of the BJP’s Digital Army écrit par la journaliste Swati Chaturvedi fin 2016, le voile se lève sur la stratégie numérique violente de Narenda Modi.

Narenda Modi à la tête d’une armée numérique déterminée, organisée et performante

Lors de son élection en 2014, l’homme politique avait derrière lui une véritable armée de militants dévoués, organisés et compétents. Guidés par quelques grands soutiens du Premier ministre, des dizaines de milliers d’abonnés répandent la parole du nationaliste indien et n’hésitent pas à injurier, harceler ou dénigrer tous ses opposants.

(source photo : Véronique Dorey )

Les trolls sont bien organisés, et sont couverts par l’anonymat. Sur Twitter, pas de photo de leur visage, mais des images représentants diverses divinités indoues ou bien de belles mannequins blondes. Leur stratégie d’attraction ne s’arrête pas là, même leurs pseudos révèlent leur attachement à la culture indienne traditionnelle. Le Premier ministre a quant à lui a plus d’une vingtaine de millions d’abonnés sur Twitter, et est lui-même abonné à des comptes faisant l’apologie de la violence, du sexisme, proférant des menaces de mort ou des insultes envers toutes les minorités de la société indienne.

Loin de répondre aux accusations des citoyens agressés, numériquement ou même physiquement, par les trolls du Premier ministre indien, celui garde le silence… et tous ses abonnements Twitter. En juillet 2015, il a même invité dans sa résidence 150 de ses lieutenants numériques, ses Yodhas afin de les féliciter de leur loyauté.

Le parti utilise ainsi FacebookTwitter et même WhatsApp pour diffuser de la désinformation en faveur du Premier ministre. Des hit lists sont distribuées aux membres du parti nationalistes. Ils doivent alors attaquer des journalistes, des personnalités, des minorités ou des opposants politiques, c’est-à-dire n’importe quelle personne susceptible de s’opposer à Narenda Modi. La prise de conscience de l’importance de la maîtrise des réseaux pour le contrôle de la population est apparue tôt chez les dirigeants du parti nationaliste indien, et les élections de 2014 sont la preuve de leur très bonne maîtrise de l’outil numérique.

Ce qu’il faut retenir

  • L’utilisation massive des réseaux sociaux dans un objectif politique n’est pas une première, mais la stratégie du Premier ministre indien est particulièrement bien rodée.
  • Les fake news, le Cyberbullying et les trolls ne sont que des outils supplémentaires et adapté au monde contemporain pour prôner une idéologie, s’imposer sur un marché ou dans un Etat, et viser des minorités déjà fragiles.
  • L’utilisation de stratégie de trolling par des dirigeants étatiques risquent de légitimer l’usage des fake news. Cela remet en cause l’avenir de la lutte contre la désinformation à l’ère numérique, et nous pousse à nous demander comment juger la diffusion de fake news à un autre niveau qu’international dans un espace numérique sans frontières ?

Sources

BUISSOU Julien, « Narenda Modi, maître des trolls », Le monde, 22/08/2017.