Nestlé, Sidi Ali, Danone et Afriquia … Quand les réseaux sociaux mettent à mal la réputation des grandes marques
Date3 mai 2018
Type
Articles
Bad buzz pour Nestlé, boycott pour Danone… En avril, la Toile s’agite au Maroc ! Récemment, les réseaux sociaux ont donné du fil à retordre aux grandes marques. Ce mois-ci, l’Oeil de l’expert se consacre à l’analyse des nouveaux enjeux et des nouveaux défis que soulèvent Internet et les réseaux sociaux en communication de crise.
Bad buzz et boycott, les internautes marocains tapent du poing !
Au début du mois d’avril, Nestlé Maroc lance une émission de télé-réalité. Inspirée de l’émission française « Qui veut épouser mon fils ? » diffusée sur TF1, l’émission met en scène cinq jeunes femmes célibataires, rassemblées dans une villa, qui se livrent une concurrence féroce, pour s’attirer les grâces de leur future belle-mère et avoir le privilège de s’unir avec le bachelor marocain. Loin d’être révolutionnaire, cette émission est en fait une opération séduction de la part de la marque, qui met en en valeur ses produits à travers les défis réalisés par les jeunes femmes. Les téléspectateurs ont découvert effarés la première épreuve, qui est de confectionner un dessert à base de lait concentré Nestlé. La belle-mère dominatrice, le fils docile et la femme marocaine aux fourneaux à la recherche désespérée d’un mari… un concentré de clichés, totalement à l’encontre des mouvements actuels en faveur de l’émancipation des femmes, qui évidemment ne manquent pas de soulever l’opinion publique sur les réseaux sociaux.
L’émission va faire l’objet de vives critiques pour ses clichés sexistes et mysogines. Le concept est jugé « sexiste » et « dégradant » pour la femme marocaine et à peine quatre jours après la diffusion du premier épisode, la pression des réseaux sociaux pousse Nestlé à mettre un terme à l’émission. A travers un communiqué de presse publié sur Facebook, Nestlé Maroc choisit la stratégie du rétropédalage et fait son mea culpa aux internautes pour cette « maladresse ».
Au même moment, toujours sur les réseaux sociaux, les consommateurs mécontents s’organisent contre les marques des groupes Holmarcom, Akwa et Centrale Danone et lancent un appel à boycott suite à une récente augmentation des prix de leurs produits de grande consommation. Cet évènement s’inscrit dans un climat local très sensible à la hausse des prix et va faire de certaines marques notamment Danone, Afriquia ou Sidi Ali, les boucs émissaires des consommateurs qui dénoncent le coût important de la vie et le monopole des grandes entreprises qui ont la mainmise sur les prix au Maroc.
Une dizaine de pages Facebook, suivies par des centaines de milliers de personnes, ont massivement relayé le message et les internautes à coups de « likes », de commentaires et de partages appellent au boycott. Ce mouvement prend une telle ampleur que les personnalités politiques prennent la parole. Le ministre de l’Economie et des Finances Mohamed Boussaid appelle à défendre les entreprises marocaines et blâme au Parlement les « écervelés » à l’origine du boycott. Le ministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural, des eaux et forêts, – Aziz Akhannouch – déclare quant à lui que « les produits marocains continuent d’évoluer et la réalité sur le terrain ne sera pas stoppée par le web ».
Ces réactions apparaissent aussi maladroites qu’inappropriées face à une situation qualifiée de mystérieuses et peu cohérente par la presse locale. Certains médias évoquent plusieurs pistes : action menée en sous-main par le Parti de la Justice et du Développement (d’idéologie islamiste) ou encore un “règlement de compte politique » qui ciblerait M. Akhannouch, qui n’est autre que l’actionnaire majoritaire d’Akwa.
Quelques jours plus tard, le directeur « achat et amont laitier » de Central Danone, Adil Benkirane déclare « Saboter les produits marocains, qui proviennent du monde rural marocain, est une trahison à la nation », propos excessifs pour lesquels la marque Danone s’excusera par la suite. Par ailleurs, la marque affirme ne pas avoir augmenté le prix du lait et subir les conséquences d’une campagne de désinformation.
Quoi qu’il en soit, il est devenu très difficile de démêler le vrai du faux sur les réseaux sociaux qui sont devenus le terreau fertile de la propagation de rumeurs et de fake news. Ce phénomène est symptomatique du nouveau contexte dans lequel les entreprises doivent désormais évoluer et des nouveaux défis qu’elles doivent relever.
Un nouveau paradigme, de nouveaux défis pour les entreprises
Le nouveau paradigme est caractérisé par un double phénomène : une crise de confiance généralisée et un accroissement du poids des réseaux sociaux dans l’exercice de la démocratie.
Des études récentes (baromètre de la confiance – Vague 9 – Science Po) montrent que l’opinion publique a de moins en moins confiance dans les entreprises et les institutions et ce notamment à cause des nombreux scandales économiques et politiques. Ce phénomène instaure peu à peu une dictature de la transparence. Les entreprises ne peuvent plus agir cachées du regard des consommateurs et doivent répondre de leurs actions devant le tribunal de l’opinion, dont les débats prennent de plus en plus racine sur les réseaux sociaux.
Dans son livre La démocratie Internet, Dominique Cardon explique qu’Internet et les réseaux sociaux permettent l’élargissement de l’espace public dans le sens où, les réseaux sociaux deviennent le lieu d’expression des paroles « profanes ». Ainsi, les médias sociaux accroissent la pression sur les entreprises : demande accrue de transparence, journalisme citoyen, globalisation de la communication, complexité du digital ou encore instantanéité des publications… Autant de difficultés qui peuvent être compliquées à gérer pour les entreprises.
Ce nouveau paradigme ne laisse d’autre choix aux entreprises que d’adapter leurs stratégies de communication. Les consommateurs ne sont plus les simples réceptacles de l’information produite par les entreprises. Bien au contraire, ils vont s’organiser pour mettre en place des actions ce qui peut avoir un impact réel sur la réputation d’une entreprise et de ses activités.
À retenir
Internet et les réseaux sociaux constituent un élargissement de l’espace public. Cependant, ils sont aussi le terreau fertile de fake news et de rumeurs.
Lors d’un bad buzz, le rétropédalage et le mea culpa peuvent être une bonne stratégie pour désamorcer une situation crisogène.
Le nouveau paradigme est marqué par : une crise de confiance généralisée et un accroissement du poids des réseaux sociaux dans l’exercice de la démocratie.
Les entreprises sont aujourd’hui soumises à la dictature de la transparence.
Les consommateurs sont désormais devenus des consomm’acteurs.
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