L’explosion de gaz du 12 janvier 2019 à Paris constitue un cas typique de gestion de crise accidentelle. Si les moyens engagés ont été à la hauteur de la gravité de la situation, la caractérisation et la prise en charge des victimes peuvent encore être perfectionnée. L’enquête qui débute apportera sans aucun doute d’autres enseignements.
Chronologie
Le samedi 12 janvier 2019 vers 9 h du matin, une très violente explosion se produit dans une boulangerie située de Trévise, dans le 9ème arrondissement de Paris. Le souffle de l’explosion dévaste tout dans un rayon de 100 mètres autour du commerce. Bilan : 4 morts, dont 2 pompiers qui intervenaient sur une fuite de gaz, et 66 blessés.
Le samedi 12 janvier 2019 vers 9 h du matin, une très violente explosion se produit dans une boulangerie située de Trévise, dans le 9ème arrondissement de Paris. Le souffle de l’explosion dévaste tout dans un rayon de 100 mètres autour du commerce. Bilan : 4 morts, dont 2 pompiers qui intervenaient sur une fuite de gaz, et 66 blessés.
Une mobilisation importante
Le quartier de Trévise est densément peuplé et très touristique. Trois hôtels sont aux abords directs de la boulangerie. Les habitants, les touristes et les personnels d’interventions sont les premières victimes, avec des morts, des blessés et des personnes choquées. La catastrophe a physiquement et moralement atteint leurs centres vitaux : santé, sécurité, logement.
Les services de secours, sont eux aussi, en première ligne et durement touchés. Immédiatement après l’explosion, les 81 casernes de la capitale et de la petite couronne sont sollicitées. Près de 200 pompiers mobilisés, ainsi que 20 chiens dressés au sauvetage[1]. La priorité pour les services de secours est la prise en charge des très nombreux blessés. Dix médecins pompiers apportent les premiers soins, puis le Samu prend le relais. L’image la plus marquante sera sans doute celles des hélicoptères de la sécurité civile posés place de l’Opéra[2].
Les services de sécurité, dont la préfecture de Police de Paris, sont mobilisés pour la sécurisation du périmètre.Leur priorité est de faciliter les opérations de secours et d’éviter un éventuel sur-accident.
La gravité de la crise et le fait que la capitale soit touchée amène le politique à être partie prenante jusqu’au plus haut niveau : le préfet de police Michel DELPUECH s’est rapidement rendu sur place, suivi d’Edouard PHILIPPE, Christophe CASTANER et de la maire de Paris Anne HIDALGO vers 11 h[3]. La prise en charge des victimes sur le moyen terme est assurée par la Ville de Paris et la mairie du 9e arrondissement avec le concours de nombreux partenaires (Croix-Rouge, Protection Civile, Paris Aide aux Victimes, la Fédération Nationale des Victimes d’Attentats et d’Accidents Collectifs[4], les assureurs, etc.)[5]. Enfin, le gestionnaire du réseau de gaz est une partie prenante sur toute la durée de la crise : son objectif prioritaire est le raccordement des logements endommagés, et à terme, il devra gérer les éventuelles conséquences d’une mise en cause juridique.
Réguler des conséquences sur la durée
L’appel d’un locataire s’inquiétant d’une forte odeur de gaz arrive à la caserne Château d’Eau vers 8 h 30. À 8 h 45, une équipe de 6 pompiers est sur place, rue de Trévise[6]. Le point de rupture de la crise est une explosion due au gaz partant du sous-sol de l’immeuble. Selon le général Jean-Claude GALLET, commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, l’action des deux pompiers qui intervenaient sur place a permis d’épargner « une vingtaine de vies », notamment par les consignes de confinement aux riverains[7]. Vers 10 h, trois postes médicaux avancés sont créés. Vers 11 h, un pompier porté disparu est sauvé des décombres, un sauvetage qui témoigne de la grande maîtrise des pompiers de Paris en matière de décisions d’urgence.
Mais passé le choc et les opérations de sauvetage du jour même, les conséquences doivent être régulées sur le long terme, illustrant la difficile articulation des temporalités sécuritaires, politiques, médiatiques, et judiciaires.
Pour informer et orienter au mieux les victimes, la Ville de Paris a créé une page internet dédiée. Le site identifie les immeubles impactés, donne des indications sur les démarches administratives à suivre et les dispositifs d’accompagnements mobilisables pour les particuliers et les professionnels. Ces dispositifs d’accompagnement vont du numéro vert à l’intention des blessés, aux mesures spécifiques, en passant par le soutien psychologique. Les différentes permanences sont regroupées au sein de l’Espace d’Information et d’Accompagnement (EIA).
Pour la ville de Paris, la préoccupation suivante est le relogement des habitants des immeubles soufflés. Au 17 janvier, soit 5 jours plus tard, 80 personnes cherchaient encore une solution de relogement[8]. Neuf immeubles ont été impactés. Une procédure unique pour les demandes de déménagement ou de travaux a donc été mise en place. Une procédure spécifique a été mise en place par la Ville de Paris pour traiter les cas des nombreuses voitures du périmètre placées en fourrière à la suite de l’explosion. Des mesures exceptionnelles ont également été prises sous l’égide de la Fédération française des assurances.
Les conséquences sont aussi économiques. La chambre de commerce et de l’industrie de Paris a dénombré 42 entreprises sinistrées[9]. Les commerçants et les professionnels victimes de l’explosion bénéficient également d’aménagement.
Une information judiciaire a été ouverte contre X le 29 janvier par le parquet de Paris, avec « les chefs d’homicides involontaires, blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois, et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 3 mois »[10]. Une réponse globale à la crise est donc privilégiée par l’Etat. Cependant, cette réponse a des limites
Réaction de GRDF
GRDF, qui exploite le réseau de gaz de la Ville de Paris via un contrat de concession, diffuse rapidement un communiqué de presse, peu après l’explosion[12], factuel et empathique, la compagnie se met aux services des autorités pour gérer la situation. Dans notre jargon de gestionnaire de crise, il correspond au FACET, on aurait préféré un CAFET, (Commencer par la Compassion).
La mobilisation de l’opérateur GRDF est également mentionné sur la page dédiée à l’événement sur le site de la ville de Paris.
Entre le 12 et le 14 janvier, GRDF publie 3 Tweets sur le sujet et en repostera 20, donc celui empathique, de son directeur général Edouard SAUVAGE :
On ne peut que rappeler que la prise de parole du PDG est dans ce type de crise nécessaire, ce doit d’être empathique et réalisé le plus rapidement possible, exercice réussi pour GRDF. Cependant la polémique éclate immédiatement quant à la sécurité du réseau de gaz parisien.
Par voie de communiqué presse diffusé sur son site et sur Twitter, GRDF conteste la critique de la vétusté du réseau de gaz par le conseiller Divers Droite de Paris, Alexandre VESPERINI[13]. Le directeur exécutif de GRDF, Christian BUFFET, est interviewé quelques jours plus tard sur le plateau de BFMTV : s’il mentionne la coopération de GRDF avec les autorités, c’est la polémique sur l’état du réseau qui intéresse maintenant les médias.
Chez ENGIE, maison mère de GRDF, aucune communication. A tord ou à raison ?
Une crise aux enseignements multiples
Les avancées de l’enquête qui débute apporteront d’autres enseignements de l’explosion de la rue de Trévise. Des observations peuvent déjà être faites.
La première observation concerne la prise en charge psychologique des victimes. Des personnes n’ayant pas subi de blessures corporelles ne sont pas considérées ou ne se considèrent pas comme victime. Passé le suivi immédiat de la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP), elles ne font donc pas forcément la démarche d’un suivi psychologique plus long. Ainsi, Gaëlle ABGRALL, psychiatre de référence de la cellule d’urgence médico-psychologique du Samu de Paris, estime qu’environ 30% des personnes impactées par la catastrophe seront suivies sur le long terme[14]. Certains traumatismes, non traités, peuvent alors devenir de véritables handicaps. Le perfectionnement de la caractérisation des victimes et de leur prise en charge dans la durée semble nécessaire.
Par ailleurs, l’explosion de la rue de Trévise est l’occasion de voir à l’œuvre la résilience de la population, c’est-à-dire de sa capacité à surmonter le choc et à s’adapter pour continuer à fonctionner. Le réseau VISOV[15
] (Volontaires Internationaux en Soutien Opérationnel Virtuel), une communauté qui se mobilise pour aider les secours grâces aux réseaux sociaux, a été activé[16].
En relayant les consignes des autorités et en donnant des conseils à leurs followers, cette communauté est un exemple d’aide à la résilience en situation de crise.
La résilience de la population passe aussi par la solidarité. Outre les offres spontanées d’assistances des riverains pour leurs voisins sans logements, le théâtre Antoine annonce que les recettes d’une pièce joué par des acteurs connus seront reversés aux familles des deux pompiers tués dans la catastrophe[17].
Enfin, un troisième aspect qui sera intéressant à étudier concerne les conséquences sur la gestion du réseau d’alimentation en gaz des grandes villes. Celui-ci est souvent tentaculaire, et parfois vétuste. On va donc voir ressurgir ce sujet « marronnier ».
Dans le cas de la rue de Trévise, Alexandre VESPERINI, élu du 6ème arrondissement de Paris, alerte sur un réseau de gaz parisien mal signalisé et datant du début du 20ème siècle. L’élu alerte également sur la multiplicité des interlocuteurs et la difficulté d’un pilotage global des travaux de rénovation[18]. La dénonciation de ces propos par GRDF, filiale d’ENGIE[19] qui était en charge du réseau rue de Trévise, semble augurer de vifs débats dans le sillage de l’enquête.
Il est intéressant d’observer des réactions dans d’autres villes. Par exemple, la ville de Lyon prépare un plan de rue unique de tous les réseaux (eaux, électricité, gaz). Jusqu’à présent, et c’est encore le cas actuellement, chaque gestionnaire de réseau possédait son propre fond de plan à usage interne géré par ses équipes de cartographie en régie, sans aucune mutualisation[20].
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