Destinée à la réparation des préjudices collectifs, la class action a émergé dans les années 1960 aux Etats-Unis et est depuis devenue tradition. Désormais ancrées dans leur système, ces actions visent à protéger l’intérêt collectif : les demandeurs et défendeurs peuvent se mobiliser au cours d’une même instance.
D’autres pays européens ont adopté ce type de procédure : le Portugal l’a inscrit notamment dans sa constitution (article 52-3), en Italie, l’action de groupe est en vigueur depuis 2010, depuis 2003 en Suède, elle figure dans le code de procédure civile des Pays-Bas depuis 2005, et a été adoptée en Angleterre depuis les années 2000. De fait, les pays se sont très vite approprié ce modèle, même si les États-Unis demeurent les principaux utilisateurs et promoteurs.
Malgré les réticences, la France a fini par importer ce type d’actions en 2014, en le modelant toutefois à sa façon. Jugées trop libérales, les actions de groupes ont été largement muselées par le système juridique français. Les class actions ont ainsi été instituées par la loi du 17 mars 2014. Tout d’abord limitées au seul domaine de la consommation, elles ont ensuite été élargies aux litiges relatifs aux produits de la santé, aux litiges en matière environnementale, en matière de protection des données, de discrimination subie au travail, etc. Si leur champ d’application paraît avoir été étendu, ce n’est qu’une apparence.
Le système législatif proposé par la loi de 2014 est en réalité assez restrictif et représentatif du droit strict français, ce qui explique le constat le suivant : le nombre d’actions de groupes intentées depuis 2014 s’élève seulement à 32 dont 20 dans le domaine de la consommation et seules 6 ont un résultat positif. A titre de comparaison avec les Etats-Unis où ce type de procédure est monnaie courante : en 2020, les cours fédérales américaines ont traité plus de 6 300 demandes. Si beaucoup permettent de faire évoluer la jurisprudence et de compenser les dommages causés, le chiffre démontre également des dérives d’un système érigé en business, dont les avocats en tirent les bénéfices en cas de victoire.
En revanche, la Loi Hamon instaure un champ d’application restreint : les acteurs susceptibles d’agir doivent être une personne physique, être constitué en groupe, et le groupe ne peut agir qu’au travers d’une association agréée (environ 14 associations ont actuellement cette capacité). Par ailleurs, la procédure est très coûteuse : il faut compter environ 50.000 euros). Un vrai filtrage a été instauré par le législateur pour éviter des mobilisations abusives. La première class action intentée par UFC pour assigner Foncia en 2014 a été par exemple jugée irrecevable en 2018. La justice a estimé qu’elle ne s’inscrivait pas dans le champ d’application du code de la consommation.
Toutefois, la récente proposition de loi du 8 mars portée par un député LR et un député LREM, risque de faire évoluer les class actions vers un modèle plus libéral. La loi se veut plus souple et vise à rendre les class actions plus accessibles.
La mobilisation est élargie à un certain nombre d’entités : demain, tous types d’associations et collectivités (à condition qu’elles regroupent un certain nombre de personnes) pourront intenter une class action. Par ailleurs, dans la proposition de loi, en plus des diverses indemnités versées aux victimes, la justice pourra désormais prendre des sanctions civiles, pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires d’une entreprise. Le système proposé se veut également plus uniforme : il souhaite instituer un seul statut pour toutes les actions. A contrario, la loi en vigueur de 2014 qui institue un statut juridique différend pour chaque type d’actions, avec des préjudices qui varient selon les cas.
Pour autant, un avis rendu par le Conseil d’État, émet certaines réserves et traduit une résistance française à évoluer vers le système des class actions américaines. En effet, ces dernières sont par exemple l’objet de médiatisation à grande échelle et de forts jugements moraux, si ce n’est pas l’objet d’un procès avant l’heure.
Si aujourd’hui lancer une action de groupe s’avère compliqué et a très peu de chance d’aboutir, cette proposition de loi est susceptible de donner lieu à une certaine ouverture.
Ainsi, les class actions font l’objet de fortes médiatisations et créent des risques importants en termes de RSE : c’est la réputation des entreprises qui est en jeu. En effet, les associations à l’origine des class actions pratiquent de nombreux media trainings, soigneusement concoctés pour permettre d’émouvoir l’opinion publique. Pour les professionnels concernés, les conséquences sont directes et aucune présomption d’innocence n’est établie, comme ce fut le cas dans de nombreuses affaires. Les médias et réseaux sociaux se font juges de toute accusation, avant toute décision de justice, voire de l’engagement réel d’une procédure. Une publicité à bas coût pour les associations, qui menace directement les entreprises. Le législateur s’interroge alors sur le bien-fondé de ce type d’actions si elles venaient à être plus élargies.
Par ailleurs, le développement durable est de nos jours un sujet sociétal important sur lequel les clients s’appuient et qui motivent leurs choix de consommation. En revanche, ce type de procédures peut mener à une multiplication des accusations de Greenwashing. La promesse aux consommateurs du respect du développement durable et de l’implication dans la transition écologique doit être réellement respectée. De nombreuses actions sont considérées comme frauduleuses. Ce fut par exemple le cas du faux écolabel de la campagne Intermarché de 2011, qui mettait en avant un label « pêche » certifiant d’un « certain engagement écologique ». Or, le graphisme de ce label jouait sur une ressemblance avec le label indépendant MSC, qui a valu au Groupe d’être interdit de reconduire sa campagne publicitaire.
En définitive, l’image et la réputation des entreprises peuvent se retrouver rapidement entachées par le biais des class actions, qui s’appuient sur une forte médiatisation.